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La douleur chronique et les troubles de l’humeur

La douleur chronique et les troubles de l’humeur

Lorsqu’une personne tombe en arrêt de maladie pour un trouble musculosquelettique, il est très commun que la personne vienne à présenter des symptômes anxieux ou dépressifs, surtout si la douleur devient chronique. De même pour une personne qui tombe en arrêt de maladie pour un trouble dépressif, mais qui présentait également, souvent pendant des mois, voire des années avant l’arrêt de travail, qu’elle vivait avec de la douleur chronique limitant son fonctionnement et son bien-être. Pour vous expliquer l’intime relation entre la douleur et l’apparition de symptômes anxieux ou dépressifs, voici l’histoire de Sylvie, 45 ans.

La douleur, est une expérience subjective. Elle est un signal que nous donne notre système nerveux pour nous informer que quelque chose cloche, et ne pas faire tel ou tel geste, pour éviter de mettre en péril l’intégrité physique de la région qui envoie le message. Les sensations de douleurs varient en intensité, mais aussi selon le ressenti : engourdissements, élancements, lacérations, raideur, fourmillements, etc… Une personne qui ressent de la douleur va tenter de comprendre d’où vient la douleur, et pourquoi elle la ressent. Elle ira chercher de l’information auprès de professionnels, dans son expérience et connaissances personnelles, et sur internet également. Notre compréhension de ce qui produit le message de douleur et pourquoi ce message est produit va directement influencer notre ressenti de la douleur. En effet, la douleur est étroitement influencée par, entre autres, notre culture, nos perceptions, nos expériences passées et nos croyances, ainsi que notre humeur et notre attitude.

À un certain point dans sa vie, Sylvie s’est mise à ressentir des douleurs d’abord légères et intermittentes au bas du dos, puis aux genoux, éventuellement au cou et aux poignets. Même ses doigts lui faisaient mal après certaines tâches comme couper des légumes. Sylvie s’expliquait ses douleurs en se disant que c’était l’âge. Son médecin, lui conseillait de perdre du poids et faire de l’exercice et lui prescrivait des anti-inflammatoires. Mais Sylvie qui fait déjà un travail très physique comme cuisinière, se sentait trop fatiguée le soir pour aller marcher. Aussi, elle avait peu confiance en la médication et se disait qu’elle était capable de tolérer la douleur. Après quelques mois, dès que Sylvie s’assoyait à son retour du travail, elle avait de la difficulté à se lever et se sentait très raide. Elle parlait constamment des douleurs qu’elle ressentait à son mari qui prit l’initiative de faire plus de tâches dans la maison pour la laisser se reposer. Sylvie était d’abord soulagée, mais tranquillement un sentiment de culpabilité s’est fait sentir. Sylvie, se sentait toujours fatiguée, lasse et avait même de la douleur quand elle était assise. Elle ne pouvait jamais réellement relaxer, constamment distraite par les douleurs. À ce moment, Sylvie avait l’impression que sa vie se résumait à donner toute son énergie au travail puis rentrer chez elle pour ne rien faire et se coucher. Le pire, c’est que même après des semaines et des semaines à ‘’se reposer’’, les douleurs ne faisaient qu’augmenter. Comble de tout, la nuit, elle ne dormait plus, car les douleurs la réveillaient, et elle avait de la difficulté à s’endormir, car elle ne faisait qu’imaginer le futur et toutes les difficultés qu’il semblait apporter. Le médecin de Sylvie avait fait une référence pour des imageries médicales, mais des mois d’attente étaient nécessaires. Il tentait de la rassurer disant qu’elle faisait probablement de l’arthrose aux différentes articulations, ce qui est normal avec l’âge. Mais pour Sylvie, rien de tout ce qu’elle vivait n’était normal et elle cherchait une réponse à ses questions.

Sylvie avait une peur énorme. Que faire si elle ne peut plus travailler? Le stress que cette possibilité entraînait chez Sylvie était fort et il arrivait qu’au travail, lors de journées particulièrement difficiles, Sylvie ressente un point au ventre et une anxiété très forte. La goutte qui fit déborder le vase a été quand Sylvie a reçu une critique de la part d’une collègue. Sylvie s’est mise à pleurer, et n’était plus consolable. Sa supérieure lui conseille vivement d’aller voir un médecin d’urgence, et le lendemain, Sylvie se retrouve en arrêt de travail avec un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive. 

En arrêt de travail, les premiers mois ont été très difficiles car Sylvie avait de la difficulté à accepter l’arrêt de travail. Elle s’isolait beaucoup, sentant qu’elle était devenue un poids pour ses proches, et surtout son mari. Celui-ci ne savait plus comment la consoler. Au niveau des douleurs, puisqu’elle ne travaillait pas, Sylvie ressentait des douleurs moins vives et intenses mais elles étaient constantes, permanentes. Étant toute la journée à la maison, Sylvie ne souhaitait pas donner l’impression de ne rien faire, donc elle se donnait l’objectif de passer la balayeuse dans toute la maison, mais après quelques minutes debout, la douleur devenait insupportable et Sylvie devait s’arrêter, déçue et en colère. Elle avait perdu toute motivation et se sentait chaque jour de plus en plus mal dans sa peau. Elle redoutait les rendez-vous médicaux par crainte d’être retournée au travail car elle ne pouvait s’imaginer comment elle ferait!

Le dossier de Sylvie a été étudié par son assureur et celui-ci lui propose de la référer en réadaptation. La référence est rapide car en plus de présenter une problématique de santé mentale, elle présente aussi un diagnostic de santé physique.

Sylvie rencontre d’abord l’ergothérapeute. Dès la première entrevue, l’ergothérapeute peut venir à observer comment le fonctionnement de Sylvie est directement atteint d’une part par des symptômes anxio-dépressifs et d’autres part par la douleur. Ainsi, l’ergothérapeute identifie des objectifs d’interventions dont l’apprentissage du phénomène de la douleur et son interaction avec le stress et les émotions, l’apprentissage de stratégies actives de gestion de la douleur ainsi que la mise en place d’objectifs de réactivation visant la reprise d’activités significatives et porteuses de sens. L’ergothérapeute réfère Madame au programme É-Motion. Celui-ci permet l’intégration d’un programme d’activités thérapeutiques à exercer en clinique, plusieurs fois par semaine. 

Le programme É-motion comprend la mise en place d’une évaluation et d’un programme en kinésiologie.  Ce programme d’entraînement est réalisé de manière supervisée afin d’adresser la kinésiophobie (la crainte de bouger et d’avoir mal), apprendre à écouter les signes précurseurs de douleur et mettre en place les stratégies actives de gestion de la douleur. Les changements à apporter à son hygiène de vie (alimentation, sommeil) pourraient également être supportés. 

Madame rencontre également la psychologue de l’équipe. Étant donné la composante affective très importante (faible estime de soi, peur et anxiété, sentiment de culpabilité), un support en psychologie permettrait à Sylvie de pouvoir se déposer, être écoutée et apprendre à mieux gérer le stress.  Aussi, la psychologue adressera avec Madame les obstacles psychologiques au retour au travail.

Finalement, une évaluation et une prise en charge en physiothérapie est également recommandée. Le physiothérapeute évalue l’origine des douleurs et traite l’atteinte musculo-squelettique via de l’enseignement, de la thérapie manuelle et des exercices. 

Dans quelques semaines, l’équipe proposera au médecin traitant un plan pour un retour thérapeutique au travail. Pendant celui-ci, Madame pourra continuer de recevoir du support de son équipe traitante jusqu’à ce que celle-ci se sente prête à voler de ses propres ailes!